Obligation de délivrance en franchise

Claude J. Pellan
Avocat
Nous retrouvons souvent les expressions «le ou vers le XX-XX-XX» ou «vers le XX-XX-XX» dans des offres de location, offres d’achat d’actifs et conventions de franchise. Nous faisons évidemment référence à la date de livraison: de locaux, d’actifs ou d’une franchise.
Qu’est-ce qui arrive si le propriétaire, le vendeur, le propriétaire immobilier ou le franchiseur ne livre par à temps ce qu’il s’est engagé à livrer? En d’autres mots, est-ce que l’expression «le ou vers le XX-XX-XX» est une obligation de moyens ou de résultats?
Pour un franchiseur, un propriétaire immobilier ou un vendeur, une obligation de moyens est une obligation en vertu de laquelle le franchiseur, le propriétaire immobilier ou le vendeur doit déployer ses meilleurs efforts pour atteindre l’objectif visé, soit la livraison d’un local, d’actifs ou d’une franchise, selon le cas.
L’expression «meilleurs efforts» signifie une certaine assurance que même si un certain résultat n’est pas garanti, des efforts de bonne foi vont être entrepris pour atteindre le meilleur résultat dans les circonstances.
L’obligation de résultat est une obligation par laquelle le franchiseur, le propriétaire immobilier ou le vendeur, selon le cas, s’engage à fournir un résultat déterminé. Dans cette éventualité, la responsabilité du franchiseur, du propriétaire immobilier ou du vendeur, selon le cas, est engagé dès lors que le résultat promis n’est pas obtenu.
Dans un jugement récent en franchisage, le juge a eu à se prononcer sur la question dans un dossier où le franchiseur s’était engagé envers un franchisé dans une offre d’achat à livrer la franchise «clés en main» le ou vers le 30-03-06.
Dans les faits, la date de possession a eu lieu le 12 avril 2006. Il y a aussi lieu de noter que le local n’a pas été livré « clés en main » puisque certains engagements du franchiseur envers le franchisé dans l’offre d’achat n’ont pas été remplis.
Dans sa défense, le franchiseur allègue les aléas de la construction et le fait qu’il n’y avait aucune garantie faite à l’égard de la date de possession.
Dans son jugement, le Juge, après une analyse des faits, interprète l’expression «vers le 30-03-06» comme étant une obligation de résultat.
En effet, il était l’intention des parties d’ouvrir à cette date pour pouvoir tirer avantage de la meilleure période de l’année, pour cette franchise, soit l’été. Au soutien de sa décision, il soulève l’article 1854 C.c.Q. pour en venir à cette conclusion.
«1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail. Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail».
(Le soulignement est la nôtre)
De plus, il ajoute que «l’obligation de délivrance n’est pas une obligation que l’on peut remplir en soutenant avoir fait de son mieux (obligation de moyens) ni «en raison d’un délai causé par des circonstances hors de son contrôle ». Il retient les mêmes motifs et la même décision à l’égard de la prise de possession « clés en main».
Conseils : Advenant qu’un franchiseur, un propriétaire immobilier ou un vendeur désire utiliser des expressions comme «vers le XX-XX-XX » ou « le ou vers le XX-XX-XX», il a une obligation de délivrance au plus tard à cette date, sous peine de répondre de sa responsabilité, à moins d’une cause de force majeure (Art. 1470 C.c.Q.).
Les critères d’une «force majeure» sont que l’évènement soit imprévisible et irrésistible. Des délais de construction ne répondent pas à ces critères.
En pratique, en franchisage il est très difficile de prévoir une date avec exactitude pour certains événements.
Pour adresser cette situation, nous vous conseillons de faire rédiger une disposition spécifique dans le contrat qui limite votre responsabilité et/ou qui prévoit que la date de prise de possession peut être retardée pour certains motifs spécifiques, sans aucune responsabilité du franchiseur, du propriétaire immobilier ou du vendeur, selon le cas.
En franchise, il n’y a jamais des problèmes, seulement des solutions.
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