L’Affaire Marcel Béliveau – Quelles leçons tout futur franchisé devrait retenir?

Jean H.Gagnon

Jean H.Gagnon

Avocat | Médiateur | Arbitre

Était-il possible pour les personnes ayant acquis, à l'époque (1995-1996-1997), une franchise des Agences de voyages Marcel Béliveau ou des Restaurants La Joyeuse de prévenir les conséquences de la déconfiture de ces entreprises?

Devant les médias, certains de ces franchisés ont affirmé avoir fait toutes les vérifications recommandées en cette matière avant d'acquérir leur franchise. En est-il vraiment ainsi?

L'affaire des franchises « Marcel Béliveau » devrait sensibiliser, tout futur franchisé à l'importance de certaines vérifications ainsi qu'à certaines distinctions qui doivent être faites en cette matière.

En voici quelques-unes :

Moins un franchiseur a d'expérience, plus le risque relié à la franchise proposée est élevé....même si le franchiseur est une vedette de la télé.

Le franchisage n'est pas une méthode permettant de développer rapidement une idée intéressante, même si celle-ci est appuyée par le nom et l'image d'une personnalité publique connue.

Le franchisage est une méthode beaucoup plus terre à terre qui consiste à permettre, par contrat, à d'autres personnes de répéter une formule qui a été préalablement développée et, surtout, expérimentée par le franchiseur.

Dans ce contexte, ce que le franchisé devrait rechercher par sa franchise est de profiter de l'expérience déjà acquise par le franchiseur dans son domaine d'activités et dans l'exploitation de son concept, expérience qui devra avoir été vérifiée par une expérimentation préalable du concept.

Pour cette raison, il est plus que fortement suggéré à toute entreprise désirant devenir franchiseur d'expérimenter préalablement son concept de franchise pendant une période d'environ trois ans et dans au moins trois établissements avant d'octroyer une première franchise.

Donc, tout futur franchisé devrait s'assurer que cette expérimentation préalable a bel et bien été faite et vérifier si le concept est maintenant bien rodé et rentable autant pour le franchiseur que pour le franchisé.

Par ailleurs, même si cette expérimentation préalable a été effectuée par le franchiseur, tout franchisé devrait reconnaître qu'un réseau de franchises jeune et qui possède peu de franchisés représente toujours un risque plus élevé qu'un réseau de franchises mieux implanté qui possède une plus longue expérience.

Dans toute franchise, comme dans toute autre entreprise, il y a un risque que le franchisé doit reconnaître et accepter. L'un des facteurs pouvant affecter de façon importante le niveau de ce risque est le degré d'expérience du franchiseur.

Plus spécifiquement, dans le cas d'un franchiseur ayant moins de trois ans d'expérience active dans l'exploitation de plusieurs établissements (corporatifs ou franchisés) dans la province de Québec, tout futur franchisé devrait réaliser qu'une franchise de ce réseau présente un niveau de risque plus élevé qu'une franchise octroyée par un franchiseur plus expérimenté et dont le concept est mieux implanté.

Il est important que les vérifications légales, commerciales et financières portent sur l'entreprise qui est le franchiseur au contrat et non pas sur d'autres entreprises ou personnes qui sont derrière le franchiseur.

Lorsqu'un futur franchise ou ses conseillers effectuent leurs vérifications à l'égard de la situation financière et commerciale d'un franchiseur et relativement aux litiges pouvant impliquer ce franchiseur, il est important de s'attarder à la compagnie qui apparaît au contrat comme étant le franchiseur et non pas sur les autres entreprises, compagnies ou personnes derrière celles-ci.

Ainsi, dans l'affaire « Marcel Béliveau », bien que les médias aient laissé savoir au cours des dernières années que Monsieur Marcel Béliveau lui-même avait des revenus élevés et suggéré qu'il possédait également des capitaux importants, l'entreprise qui était le franchiseur des deux concepts de franchises n'était pas Monsieur Marcel Béliveau lui-même, mais bien une ou des compagnies dans lesquelles celui-ci avait un intérêt (du moins initialement).

Donc, vues sous l'angle de tout futur franchisé, les vérifications devaient porter sur la compagnie qui apparaissait au contrat comme étant le franchiseur et non pas sur la situation personnelle de Monsieur Marcel Béliveau ou des autres entreprises mises sur pied ou dirigées par celui-ci.

Devant les médias, plusieurs franchisés ont mentionné avoir fait confiance à Monsieur Marcel Béliveau et s'être fiés aux renseignements rendus publics dans les médias au cours des dernières années relativement à sa situation financière.

Selon moi, il s'agit là d'une erreur puisque Monsieur Marcel Béliveau n'était manifestement pas personnellement le franchiseur à chaque contrat de franchise et ne cautionnait pas l'entreprise qui agissait à ce titre.

Il était donc toujours possible que ces entreprises puissent connaître une déconfiture financière sans que cela ne soit le cas pour Monsieur Marcel Béliveau ou que Monsieur Marcel Béliveau se départisse de ses intérêts dans ces entreprises sans que les franchisés n'aient quelque droit de parole à cet égard.

D'ailleurs, cette erreur se produit relativement souvent dans le cas où des compagnies solides mettent en place une opération de franchisage par le biais d'une compagnie distincte créée à cette seule fin.

Dans ces cas, comme dans celui de Monsieur Marcel Béliveau, le futur franchisé devrait s'attarder à la compagnie qui est véritablement le franchiseur au contrat et ne pas tenir compte des autres entreprises ou personnes qui ne se lient pas directement à la convention de franchise.

Tout futur franchisé devrait également vérifier quels sont les véritables dirigeants du franchiseur et quelle est leur expérience dans le secteur d'activités dans lequel œuvre le réseau de franchises ainsi qu'en franchisage.

Une autre vérification importante concerne les personnes qui dirigent véritablement le franchiseur dans ses opérations quotidiennes ainsi que dans ses relations avec les franchisés.

Dans des situations où une personnalité publique ou une grande entreprise est impliquée indirectement dans un réseau de franchises, il faut comprendre que, dans la plupart des cas, cette grande entreprise ou cette personne connue n'est pas impliquée dans la gestion quotidienne du réseau même si elle y fait plusieurs apparitions, notamment au moment des ouvertures de nouvelles franchises.

Il faut donc aller au delà de la personnalité connue qui véhicule l'image publique du réseau et s'attarder aux personnes qui, dans les faits, prennent les décisions importantes pour le réseau et interagissent avec les franchisés dans le cadre de leurs relations d'affaires.

Plus spécifiquement, tout futur franchisé devrait obtenir des renseignements sur l'expérience antérieure de ces personnes dans le domaine d'activités dans lequel œuvre le réseau de franchises ainsi qu'en matière de franchisage.

Tout franchiseur sérieux devrait être très ouvert à transmettre ces renseignements à tout futur franchisé. Ces renseignements devraient démontrer qu'au moins l'un des dirigeants importants du franchiseur possède une expérience solide du secteur d'activités dans lequel celui-ci œuvre et qu'au moins l'un de ses dirigeants possède également une certaine expérience du franchisage et des relations entre un franchiseur et ses franchisés.

Une croissance initiale rapide d'un réseau de franchises n 'est souvent pas le gage de son succès à long terme.

Lors de la phase de démarrage d'un réseau de franchises, il est parfois tentant pour le nouveau franchiseur de consacrer ses activités et ses ressources à accroître rapidement le nombre de nouvelles franchises.

Bien que, en soi, il n'y ait rien de répréhensible à cela, cet effort de développement se fait souvent au détriment de la formation et de l'assistance initiale aux nouveaux franchisés.

En effet, il n'y a qu'un nombre infime de nouveaux franchiseurs qui possèdent des ressources humaines, matérielles et financières suffisantes pour, de façon simultanée, réaliser un développement rapide du nombre de franchises et s'assurer qu'une formation, une assistance et un effort suffisants sont bien fournis à chacun des nouveaux franchisés.

L'une des conséquences de cet effort de développement rapide est malheureusement trop souvent que, après une courte période de formation et une assistance initiale qui se limite au lancement de l'entreprise franchisée, le franchisé est laissé à lui-même parce que le franchiseur est occupé à la promotion et à la négociation de ses franchises auprès d'autres personnes.

Pour cette raison, lorsqu'un réseau de franchises en exploitation depuis moins de trois ans connaît une croissance très rapide, tout candidat franchisé devrait porter une attention toute particulière au suivi qui est offert aux nouveaux franchisés (non seulement au moment du lancement de leurs entreprises mais aussi tout au long de la première année d'exploitation) et aux services de formation et d'assistance continus qui sont offerts aux franchisés.

Dans cette mesure, la croissance rapide d'un nouveau franchiseur n'est pas toujours un signe de son succès et de sa viabilité à long terme.

En conclusion, force nous est de reconnaître qu'autant l'entreprise d'un franchisé que l'entreprise de son franchiseur présente toujours un certain niveau de risque. Il s'agit là de la caractéristique première de toute opération commerciale, quelle qu'elle soit, et le franchisage ne peut permettre d'échapper à cette réalité.

Par contre, certains facteurs peuvent accroître ce niveau de risque et le futur franchisé ainsi que ses conseillers devraient apprendre à les reconnaître et à les apprécier à leur juste mesure avant de prendre la décision d'acquérir une franchise.

-30-